Source: Université
de Calgary - Canada - Article de Nature - 18 janvier 2001
(pdf, en anglais) |
David W. Keith
Professeur en recherche en énergie et environnement
- Canada
Département d'ingénierie chimique et pétrolière
et département de l'économie à l'Université
de Calgary - Canada
Professeur adjoint au département d'ingénierie
et de politique administrative à l'Université
de Carnegie Mellon, Pittsburgh, Pennsylvanie - États-Unis
La géoingénierie est l'ingénierie
environnementale à l'échelle de la planète,
particulièrement l'ingénierie visant à
contrebalancer les effets annexes non désirés
des autres activités humaines. Le terme a habituellement
été appliqué aux propositions pour
limiter l'impact climatique des émissions industrielles
de CO2 par des mesures compensatoires comme la construction
d'écrans solaires dans l'espace. L'échelle
et le dessein sont au centre de la signification du
mot géoingénierie comme le démontrent
les exemples suivants. Premièrement, le dessein
sans l'ampleur: le jardinage ornemental est une manipulation
intentionnelle de l'environnement pour s'adapter au
désir de l'homme, cependant ce n'est pas de la
géoingénierie parce que ni l'effet intentionnel
ni celui réalisé ne sont de grande ampleur.
Deuxièmement, l'ampleur sans le dessein: les
émissions anthropogéniques de CO2 changeront
le climat global, cependant ce n'est pas de la géoingénierie
parce qu'elles sont un effet annexe de l'utilisation
de combustibles fossiles pour produire de l'énergie. |
La distinction entre la géoingénierie
et les réponses plus conventionnelles au problème
CO2-climat est floue.
La géoingénierie est devenue une étiquette
pour des propositions technologiquement trop ambitieuses
qui sont omises des considérations sérieuses
de l'estimation du climat. Par exemple, peu objecteraient
à placer cette étiquette sur les deux
premiers exemples ci-dessous, mais aucune de ces propositions
n'est sérieusement considérée par
les décideurs politiques en ce qui concerne le
climat. Inversement, les deux exemples suivants reçoivent
une attention sérieuse mais peu les appelleraient
géoingénierie.
Propositions de géoingénierie
Améliorer les puits océaniques
Concept: fertiliser la "pompe biologique"
pourrait améliorer le flux de carbone océanique
qui maintient le déséquilibre de la concentration
de CO2 entre l'atmosphère et le fond de l'océan.
Alors que l'utilisation d'azote et de phosphore a été
proposée, la fertilisation par le fer est la
possibilité essentielle parce que le rapport
entre la quantité de fer et la fixation du carbone
est très grand (environ 1/104 pour le fer et
1/16 pour l'azote).
Statut: les expériences de fertilisation par
le fer ont produit une augmentation nette de la productivité
océanique et des études ont montré
que la productivité biologique était limitée
par le fer dans des zones importantes. Bien que l'amélioration
de la productivité de surface soit possible,
accroître le flux de carbone dans l'océan
profond est fortement incertain - les modèles
suggèrent que même si la fertilisation
par le fer était utilisée à la
plus grande échelle possible, le flux de carbone
n'excéderait pas environ 1Gt C/an (1 milliard
de tonnes de carbone par an). Et les problèmes
sont nombreux, car la fertilisation par le fer pourrait
produire une anoxie (réduction du taux d'oxygène
au niveau des cellules ou tissus vivants) dans de larges
portions des profondeurs de l'océan.
Faire écran à une certaine quantité
de lumière solaire
Concept: le réchauffement dû aux gaz à
effet de serre anthropogéniques peut être
contré en déployant des systèmes
dans la stratosphère ou dans l'espace qui éparpillent
la lumière solaire loin de la terre. Les éparpilleurs
stratosphériques sont bien moins chers mais impliquent
des risques pour la chimie de la stratosphère;
les systèmes spatiaux offrent une altération
coûteuse mais propre de la constant solaire.
Statut: les analyses ont montré qu'il était
possible de réduire de façon très
importante la masse nécessaire et donc le coût
des deux systèmes d'éparpillement. Il
a longtemps été suggéré
que les changements de la constante solaire compenseraient
seulement faiblement les effets climatiques de l'augmentation
de CO2, même si la température de surface
était précisément contrôlée.
Mais un modèle
climatique récent indique que la réduction
de la luminosité solaire pourrait compenser l'augmentation
du CO2 avec une fidélité remarquable.
Cas ambiguës
Amélioration des puits terrestres
Concept: étant donné le contrôle
humain substantiel de la biosphère terrestre,
les flux naturels importants de carbone entre l'atmosphère
et la biosphère terrestre fournissent un levier
puissant pour manipuler le CO2 atmosphérique.
Un grand nombre de méthodes ont été
proposées pour exploiter cet effet de levier
incluant la reforestation et la séquestration
dans les sols cultivés grâce aux méthodes
sans labourage ou aux modifications génétiques
des cultivars pour améliorer leur contenu en
lignine.
Est ce de la géoingénierie? L'amélioration
des puits terrestres a été considérée
comme écologique et technologiquement simple
en net contraste avec la géoingénierie.
L'idée a recueilli un large soutien dans l'industrie
et parmi les organisations environnementales. Cependant,
si implémentée à l'échelle
nécessaire pour capturer une fraction significative
des émissions, la séquestration terrestre
ressemblerait à de l'ingénierie environnementale
à l'échelle de la planète et pourrait
bien nécessiter des méthodes de haute
technologie telles que la modification génétique
des cultures. Le traitement divergent des puits terrestres
et océaniques illustre les inconsistances qui
imprègnent les discussions de l'ingénierie
de la planète.
Séquestration du CO2
Concept: nous pourrions utiliser des énergies
fossiles sans émissions de CO2 en capturant d'abord
le carbone contenu dans les combustibles fossiles tout
en générant des produits énergétiques
sans carbone comme de l'électricité et
de l'hydrogène et en séquestrant le CO2
résultant dans des formations géologiques
ou dans l'océan.
Est ce de la géoingénierie? Le terme géoingénierie
a été forgé dans les années
70 pour décrire l'injection du CO2 des centrales
électriques au fond des océans. Malgré
cette étymologie, on ne sait pas si la capture
et la séquestration sont bien classifiées
comme de la géoingénierie. C'est certainement
une réparation technique ultime, mais (sans doute)
l'injection dans des réservoirs géologiques
ressemble plus aux technologies conventionnelles d'atténuation
de la pollution qu'à de la géoingénierie,
parce qu'elle limite l'émission de CO2 dans la
biosphère plutôt que de compenser les émissions
après qu'elles se produisent. Dit simplement;
si la séquestration géologique est une
solution ultime alors la séquestration biologique
est encore au delà.
Commentaire
La croissance des sciences de la terre après
la guerre a été alimentée, en partie,
par un effort pour quantifier les insultes environnementales
afin d'apporter des arguments pour leur réduction.
Cependant, paradoxalement, la connaissance acquise nous
permet de plus en plus d'avoir une influence qui pourrait
être utilisée pour manipuler délibérément
les processus environnementaux à l'échelle
de la planète. La manipulation du flux solaire
utilisant des éparpilleurs stratosphériques
est peut être le meilleur exemple de cette influence:
nous pourrions réduire l'ensoleillement de plusieurs
pourcents - probablement suffisant pour amorcer une
période glaciaire - pour un coût annuel
inférieur à 0.01% de l'économie
mondiale. Comme remèdes pour le problème
CO2-climat, tous les projets de géoingénierie
ont de sérieuses failles. Néanmoins, je
juge probable que ce siècle verra de réels
débats sur la manipulation délibérée
à l'échelle planétaire - et peut
être sa mise en application. |