T.M.L. Wigley
Science, 14 septembre 2006
Des injections stratosphériques pourraient aider
à refroidir la terre, montrent les modèles
informatiques.
Boulder, Colorado – Une approche sur deux fronts
pour stabiliser le climat, avec des réductions
des émissions de gaz à effet de serre
ainsi que des injections de soufre, pourrait s'avérer
plus efficace que chaque approche utilisée séparément.
C'est la découverte d'une nouvelle étude
de Tom Wigley du Centre National de Recherche Atmosphérique
(NCAR), publiée dans le numéro du 14 septembre
de Science.
Wigley calcule l'impact de l'injection de particules
de soufre, ou aérosols, tous les un à
quatre ans dans l'atmosphère en quantités
égales à celles envoyées par l'éruption
volcanique du Mont Pinatubo en 1991. S'il se trouve
qu'elles sont viables environnementalement et technologiquement,
de telles injections pourraient fournir une "période
de répit" de jusqu'à 20 ans avant
que des réductions majeures des émissions
de gaz à effet de serre soient exigées,
conclut il.
"Une approche combinée pour la stabilisation
du climat a un nombre d'avantages sur chacune employée
séparément", dit Wigley. Son étude
a été soutenue par la Fondation Nationale
pour la Science, le principal mécène du
NCAR.
Le dossier de Science n'approuve aucune approche particulière
pour atténuer le changement de climat, il n'est
pas non plus destiné à aborder les nombreux
défis technologiques et politiques impliqués
dans les efforts potentiels de géoingénierie.
Il analyse plutôt si l'idée largement débattue
d'injecter du soufre dans la stratosphère pourrait
en fait ralentir le réchauffement global et ainsi
apporter plus de temps à la société
pour réduire les émissions de dioxyde
de carbone.
Si on s'occupait seulement du changement de climat
par l'atténuation (réduction des émissions),
alors des réductions massives des émissions
seraient nécessaires afin d'empêcher les
températures d'augmenter de plus de 2°C au-dessus
des niveaux actuels. Cette valeur du réchauffement
a souvent été citée comme point
de référence d'un changement de climat
dangereux.
Étant donné les difficultés de
parvenir à de telles réductions massives,
les scientifiques ont récemment commencé
à réexaminer une variété
de projets proposés durant les quelques dernières
décennies pour réduire l'impact d'un changement
de climat au moyen de solutions technologiques à
l'échelle globale. Ces approches font souvent
référence à ce qui s'appelle la
géoingénierie. Une stratégie d'abord
proposée dans les années 70 est d'injecter
de grandes quantités de particules de soufre
bloquant la lumière solaire dans la stratosphère
avec des avions ou d'autres moyens. L'idée serait
de refroidir le climat pour une année ou plus
avec chaque injection, de la même façon
que le font les plus grosses éruptions volcaniques.
"La géoingénierie pourrait apporter
une durée supplémentaire pour s'occuper
des défis économiques et technologiques
face à une approche atténuation seule",
dit Wigley.
Un modèle d'expérimentation à
deux scénarios
Utilisant un ordinateur pour suivre la lumière
du soleil et les autres énergies de et vers le
système terrestre, Wigley a examiné deux
scénarios qui projettent l'impact des émissions
sur le climat d'aujourd'hui jusqu'à l'année
2400. Dans un scénario, les émissions
totales devraient commencer à diminuer immédiatement,
et devraient être réduites d'environ 50%
dans les 50 prochaines années, afin d'empêcher
le climat de se réchauffer de plus de la référence
de 2°C. Un scénario alternatif, l'approche
"dépassement", autorise une période
d'augmentation des émissions totales, s'étendant
jusqu'aux années 2030, avant que des réductions
rigoureuses ne commencent.
Pour voir comment la géoingénierie pourrait
changer le cours des choses, Wigley a pris le scénario
"dépassement" et a ajouté trois
périodes d'injection de soufre à l'échelle
du Pinatubo dans la stratosphère. Les périodes
étaient équivalentes à une éruption
chaque année, tous les deux ans, et tout les
quatre ans. Dans les trois cas, les températures
globales sont restées approximativement constantes
pour les 40 à 50 prochaines années. Après
2050, l'effet cumulatif des gaz à effet de serre
a produit une lente augmentation de température,
bien qu'elle soit mitigée par les injections.
Des injections à une échelle égale
à celle du Pinatubo ont été considérées
parce que cette éruption volcanique n'a pas sérieusement
perturbé le système climatique au-delà
d'un refroidissement à court terme, dit Wigley.
Pas la panacée
La géoingénierie n'est pas la panacée,
note Wigley. Par exemple, le dioxyde de carbone du brûlage
de carburants fossiles a apporté une augmentation
de l'acidification des océans terrestres. Même
si la géoingénierie pouvait aider à
limiter le réchauffement global, les océans
continueraient de s'acidifier comme les émissions
de gaz à effet de serre augmenteraient, menaçant
certains écosystèmes marins.
La réduction seule peut potentiellement résoudre
à la fois les problèmes du réchauffement
et de l'acidification des océans, mais elle a
son propre lot de difficultés, dit Wigley. La
réduction rapide des émissions nécessaire
pour rester sous le seuil de réchauffement de
2°C serait coûteuse, peut être ainsi
inacceptable, et poserait de sévères défis
technologiques.
"Un investissement relativement modeste dans la
géoingénierie pourrait réduire
le fardeau économique et technologique des réductions
en différant le besoin de réductions immédiates
ou à court terme des émissions de dioxyde
de carbone", dit Wigley. |